Entretien avec Marion Pradier, Caviste à Boulogne-Billancourt
Marion & Alain, propriétaires de La Cave Saint-Clair
Comment est née la Cave Saint-Clair ?
Marion : C’est d’abord Alain qui a choisi de s’installer à Boulogne-Billancourt pour son projet. C’était un hasard, il a eu l’opportunité de s’installer et s’y plait depuis 1984. Quand il s’est installé, il y avait encore l’usine Renault, depuis la ville a beaucoup changé, on a vu un nouveau quartier se créer, Rives-de-Seine, en moins de 10 ans avec une nouvelle population.
Avez-vous des projets à venir ? Peut-être une deuxième boutique ?
M : Non pas de projet d’ouverture, nous sommes une cave très identitaire, portée et créée par nous-mêmes et nous souhaitons gérer l’affaire entièrement. Ouvrir une deuxième cave ce serait prendre le risque de déléguer notre travail car nous ne pouvons pas être à deux endroits à la fois, Boulogne propose déjà une belle offre avec plusieurs cavistes.
A côté de la cave, nous travaillons également sur d’autres projets, nous organisons des cours de dégustation, nous participons aussi à des formations.
Comment travaillez-vous ? En famille ? Avec des salariés ?
M : Nous travaillons tous les deux, Alain et moi-même. Nous travaillons aussi avec des apprentis. Ce sont des apprentis qui étudient en parallèle dans des écoles de sommellerie. Actuellement, nous travaillons avec Thomas.
Habitez-vous Boulogne-Billancourt ?
M : Oui, depuis presque 40 ans pour mon mari. Notre fille est née à Boulogne, et est à l’école ici. Elle aide même parfois à la boutique, surtout pour les fêtes de Noël. On garde une image de petit village de notre ville.
Comment sélectionnez-vous vos produits ?
M : Nous avons l’avantage de faire parti depuis longtemps d’un réseau de professionnels. Nous sommes issus du monde viticole. Chaque année nous faisons fructifier notre réseau, entre vignerons et agents commerciaux. Nous voyageons beaucoup également, à travers les vignobles, ce qui nous permet de renouveler fréquemment notre sélection. Nous aimons partir le plus souvent possible, les week-end, pour découvrir de nouveaux domaines.
Notre travail c’est de ne pas détacher le vin de tout ce qui le caractérise, on le sélectionne aussi parce qu’il est dans l’air du temps, on s’adapte aux saisons, aux tendances de consommation. Parce-que les goûts évoluent également, les gens découvrent de nouvelles saveurs à travers leurs voyages et les nouveaux restaurants. L’univers socio-culturel et économique joue énormément sur notre sélection.
Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?
M : C’est un métier très humain. Il y a des échanges, des affinités, de belles rencontres qui façonnent souvent de belles histoires qui se ressentent dans le vin. J’aime l’authenticité d’un vin, le comprendre avant de le déguster, son histoire est très importante pour moi. C’est aussi un métier commerçant, il faut aimer les gens.
Quel est la chose la plus difficile dans votre travail ?
M : Il ne faut pas que nos goûts personnels prennent le dessus. Nous sommes des passeurs, nous ne produisons pas, nous accompagnons les vignerons, sans nous approprier leur travail. Il faut aussi surtout rester humble, respecter le travail et la valeur de l’autre. Sans les vignerons nous ne serions pas grand-chose. Chacun doit garder sa place. Chaque membre de ce fameux petit train, vignerons, agents commerciaux et cavistes accompagnent au mieux l’autre. Et c’est pour cela qu’on est là depuis si longtemps.
Qu’est-ce qui vous fascine dans votre travail ?
M : On analyse beaucoup les gens pour deviner leurs goûts. La façon dont ils se comportent, parlent, on peut en déduire beaucoup de choses, nous sommes un peu des mentalistes en fait. Lorsque je forme quelqu’un, je dis souvent « notre métier c’est beaucoup de psychologie. Un jour vous ferez comme moi, vous verrez quelqu’un passer la porte et vous serez ce qu’il lui faut ».
Quelle est la différence entre un caviste indépendant et une chaîne ?
M : La sélection des vins reste très personnelle pour un caviste indépendant. Pour une chaîne, ils doivent respecter la sélection du réseau, on trouvera les mêmes produits dans chaque cave, il n’y a pas de liberté d’achat ou très peu.
Qui sont vos clients ?
M : Nous travaillons essentiellement avec des particuliers, mais aussi avec le tissu professionnel boulonnais. Le vin est souvent utilisé en cadeau d’entreprise ou pour des évènements internes.
Vendez-vous vos produits en ligne ?
M : Non, nous préférons vendre uniquement dans notre cave. C’est une cave de quartier, elle est locale, boulonnaise et sur-mesure. De plus, vendre du vin sur internet ce n’est pas facile, c’est lourd, il y a beaucoup de manutention, et les coûts de transport explosent.
Proposez-vous d’autres produits que le vin à la vente ?
M : Nous nous sommes aussi spécialisés avec les distillés. Il y a quelque chose qui se rapproche un peu de la sorcellerie avec les spiritueux, c'est ce qui me fascine. Pourtant je ne suis pas du tout une consommatrice, je n’apprécie pas forcément ces alcools. J’ai cette capacité à décrire parfaitement les spiritueux étant donné que je n’ai pas de valeur affective. Mes dégustations restent très techniques.
Auriez-vous une anecdote ou une histoire à nous raconter ?
M : Oui, parfois nos clients, quand ils rentrent de voyage, nous ramènent des vins, des liqueurs ou des spiritueux. Ça nous fait rire car ils aiment partager avec nous ce qu’ils ont aimé, c’est l’esprit de partage culturel. Ils sont très généreux.
Envisagez-vous un autre modèle de vente ?
M : Peut-être que l’on fera un système de box, en proposant à notre clientèle plusieurs vins à découvrir. On pourrait l’imaginer avec un abonnement. Pour l’instant on y réfléchit encore.
Pour finir comment décrieriez-vous La Cave saint-Clair ?
M : Ici on prend le temps d’écouter les gens. On observe, écoute, pour comprendre au mieux leur demande. C’est aussi plusieurs choses comme la pluralité, la différence, cette notion de conseil, de valeur et d’intemporalité.
Marion « Quand on aime la table, on aime le vin, quand on aime le vin, on aime la vie ».
Retrouvez Marion et Alain à la Cave Saint-Clair, au 247 Boulevard Jean Jaurès, 92100 Boulogne-Billancourt.